- Obligations familiales impérieuses
L'employeur dispose du pouvoir d'organisation du travail, cela ne veut pas dire que l'employeur puisse mettre systématiquement en difficulté votre organisation familiale.
Cet article vous permet de voir les limites du pouvoir de direction de l'employeur et les points sur lesquels vous pouvez faire valoir vos propres droits.
Définition des obligations familiales impérieuses
Les obligations familiales impérieuses représentent un aspect de la vie privée d’un·e salarié·e dont l’interférence avec la vie professionnelle nécessite une certaine conciliation.
Cette notion d’obligations familiales impérieuses est apparue dans le code du travail :
- en 2000, article L. 3123-24 du code du travail, relatif au temps partiel,
- en 2001, article L. 3122-44 et L. 3122-37 du code du travail, à propos du travail de nuit.
La prise en compte des obligations familiales dans les normes internationales est fondée sur le principe de l’égalité de chances et de traitement pour les hommes et les femmes.
L’adjectif « impérieuses » est spécifique à la législation française.
Travail à temps partiel : compatibilité avec les obligations familiales impérieuses
Un salarié peut refuser un changement de la répartition du travail demandée par l’employeur s’il apporte la preuve de ses obligations familiales impérieuses.
Article L 3123-12 du Code du travail
“Lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée de travail, alors que le contrat de travail n’a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.
Lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon des modalités préalablement définis dans le contrat de travail, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement dès lors que cette modification n’est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur, avec l’accomplissement d’une période d’activité fixée par un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Il en va de même en cas de modification des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figurent dans le document écrit communiqué au salarié en application du 3° de l’article L. 3123-6.”
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Lorsqu’un salarié signe un contrat de travail dans lequel il s’engage à accepter par avance la modification de son lieu de travail (clause de mobilité), des horaires de travail précis, ou à l'inverse quand il a accepté par avance la modification de ses horaires de travail, de la répartition des jours travaillés dans la semaine ou dans le mois, il ne peut pas, EN PRINCIPE, dénoncer sa propre signature SAUF si la clause en question est illicite.
On vérifiera donc dans un premier temps le caractère licite des clauses litigieuses : clauses de mobilité, clauses de modification des horaires ou de la répartion des jours travaillés des contrats à temps partiel, clause fixant un horaire prédéterminé....
TOUTEFOIS, dans l’hypothèse où le contrat de travail prévoit de façon licite les conditions de travail ou la modification de celle-ci envisagée par l’employeur, la Cour de Cassation autorise cependant le salarié à les refuser malgré la signature du contrat. Vous échappez dans ces cas très limités à la faute contractuelle, mais pas au licenciement si l'employeur de son coté peut prouver l'intérêt légitime de l'entreprise.
Pour que le licenciement DISCIPLINAIRE qui suit votre refus soit considéré comme abusif il faut que l'employeur ait lui-même fait une faute contractuelle :
- SOIT IL FAUT PROUVER que l’employeur n’applique pas le contrat de travail de « bonne foi » on parle aussi « d’application déloyale » du contrat de travail : Cass soc 28 octobre 2009 N° de pourvoi: 08-41883. A ce titre Llabus de pouvoir de direction existe si l’employeur peut répartir par roulement sur l’ensemble d’une catégorie de salariés les contraintes par ailleurs légitimes d’une organisation et qu’il impose ces contraintes spécifiquement à certains salariés par exemple aux seuls temps partiels (les femmes en congé parental à temps partiel par exemple).
- SOIT IL FAUT PROUVER qu’il y a « abus de droit » dans le pouvoir de direction de l’employeur . Cet abus de droit est caractérisé lorsque l’employeur change d’organisation, sans PROUVER que cette modification d’organisation est légitime ( elle présente un intérêt pour l’entreprise) ET proportionnée aux intérêts de l’entreprise. On pourrait ainsi faire valoir que l’ouverture dominicale d’un magasin ne peut se justifier - donc être légitime - que si elle aboutit réellement à une augmentation significative du chiffre d’affaire annuel ( voir les résultats financier de l’entreprise sur infogreffe.fr) ; le fait d’imposer la présence d’un salarié le dimanche doit être proportionné aux intérêts de l’entreprise : à ce titre on peut se poser la question de savoir s’il est nécessaire en cas d’ouverture dominicale d’avoir tous les postes au travail ce jour là ou pas ?
En l'absence de faute contractuelle de l'employeur, vous pouvez faire valoir des droits fondamentaux pour limiter les conséquences disciplinaires de votre refus :
- IL FAUT ALORS PROUVER que la modification envisagée empiète sur vos droits fondamentaux qui, d'après la jurisprudence en vigueur, sont de deux ordres : droit à une vie de famille et /ou protection due à l’enfance ce que la jurisprudence qualifie « d’obligations familiales impérieuses ». Ainsi au titre du droit à une vie personnelle et familiale l’employeur doit permettre à une veuve d’être auprès de ses enfants et pas que la nuit : il en serait de même pour un père ou une mère assurant seul(e) l’éducation d’enfants. Au titre de l’existence d’obligations familiales impérieuses l’employeur doit également tenir compte de l’impossibilité pour le salarié de faire garder ses enfants.
Quelques illustrations jurisprudentielles
Sur les notions de vie personnelle et familiale et d’obligations familiales impérieuses
Est cassé l’arrêt de cour d’appel qui statue
« 1/sans rechercher concrètement, comme il lui était demandé, d'une part si la mise en oeuvre de la clause de mobilité ne portait pas une atteinte au droit de la salariée à une vie personnelle et familiale alors qu’elle faisait valoir qu'elle était veuve et élevait seule deux jeunes enfants,
2/ et si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir
3/ et était proportionnée au but recherché
4/ et d'autre part si la modification des horaires journaliers de travail était compatible avec des obligations familiales impérieuses, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision; »
Cass soc 13 janvier 2009 N° de pourvoi: 06-45562
Le refus de prendre en compte des « obligations familiales impérieuses » peut aussi faire partie d’un processus de harcèlement que le juge doit prendre en compte : Cass soc 20 mars 2013 N° de pourvoi: 11-27601
« Attendu que pour décider que le licenciement de la salariée était fondé sur une faute grave, l'arrêt retient que l'intéressée ne prouvait pas que des obligations familiales impérieuses justifiaient qu'elle persiste à appliquer des horaires de travail qu'elle avait elle-même fixés et à restreindre sa zone de prospection;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée ayant fait valoir que, depuis l'annonce de sa grossesse, elle avait été victime d'actes de harcèlement de la part de son employeur ayant abouti à son licenciement, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé; »
Sur l’abus de droit de l’employeur : il y a abus de droit SI :
- « le changement d'horaires auquel a procédé l'employeur est incompatible avec des obligations familiales impérieuses,
- et que la société a fait un usage abusif et
- discriminatoire de son pouvoir de direction ».
Cass soc 5 octobre 2011 N° de pourvoi: 10-30657
Cass soc 8 novembre 2011 N° de pourvoi: 10-19339 : L’intérêt légitime de l’entreprise à modifier les horaires de la salariée n’est pas démontré quand :
« la cour d'appel a constaté,
- d'une part, que les motifs invoqués par celui-ci pour justifier que le travail exercé habituellement le samedi soit avancé au mercredi n'étaient pas réels et,
- d'autre part, que le directeur du magasin, beau-frère de la salariée, avait pris cette décision alors qu'il savait que le changement d'horaires était incompatible avec les obligations familiales impérieuses de cette dernière,
- faisant ainsi ressortir que ce changement portait une atteinte excessive au droit au respect de sa vie personnelle et familiale de l'intéressée ; qu'elle a pu en déduire que la salariée n'avait pas manqué à ses obligations en s'opposant à cette modification; »
La contractualisation
Un des moyens d’obtenir la sanctuarisation de la sphère familiale est de contractualiser les horaires Cass soc 3 novembre 2010 N° de pourvoi: 09-41132 ou le lieu de travail.
Les juges du fond peuvent faire une interprétation d’une clause contractuelle ambigüe : « procédant à l'interprétation du contrat dont les clauses étaient ambiguës, la cour d'appel a constaté que la lrépartition du temps de travail hebdomadaire de la salariée avait été contractualisée » Cass soc 16 juin 2009 N° de pourvoi: 08-40240
Toutefois il est certain que le salarié est rarement en mesure d’imposer ce genre de clause lors de la signature du contrat de travail c’est pourquoi le législateur devrait se pencher sur les moyens d’assurer la « sanctuarisation» des choix organisationnels du salarié lorsqu’ils sont dûment justifiés. On éviterait ainsi bien des difficultés sociales.
Plusieurs lettres types ont été rédigées pour vous permettre de faire valoir vos droits au respect de votre sphère familiale
Dans le cadre du congé parental :
Dans le cadre d’une clause de mobilité
2.2.3.1. Modèle de lettre : dénonciation d'une clause de mobilité illicite
2.2.3.2 Modèle de lettre : contestation de la mise en oeuvre d'une clause de mobilité
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La sélection d’arrêts ici présentée illustre le fait que l’employeur ne peut pas faire un usage discrétionnaire de son pouvoir de direction, dès lors que c’est l’équilibre de la vie familiale du salarié qui est remis en cause.
Les solutions s’inscrivent dans la droite ligne de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui retient les critères d’« obligations familiales impérieuses », de « droit du salarié à une vie personnelle et familiale » et d’atteinte « justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché » (Soc., 9 mai 2001, Bull. 2001, V, n° 157 ; Soc., 12 juillet 2005, Bull. 2005, V, n° 241(1) ; Soc., 14 décembre 2005, Bull. 2005, V, n° 364 ; Soc., 14 octobre 2008, Bull. 2008, V, n° 192 ; Soc., 13 janvier 2009, Bull. 2009, V, n° 4).
•• Voir les Cours de Cassation >>>
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