- Mouvement national des précaires de l'Éducation Nationale -

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- Vous ne pouvez pas être viré·e·s ou contrat non reconduit !

Le licenciement notifié en réaction à l'action en justice du·de la salarié·e est nul

Nombreux, nombreuses sont les AESH qui ne défendent pas leurs droits sous le prétexte et la peur que leur contrat ne soit pas reconduit si elle·ils sont en CDD et qu'elle·ils soient viré·e·s si elles·ils sont en CDI.

Erreur fondamentale. Pourquoi et comment ?

Méconnaît la liberté fondamentale d'agir en justice l'employeur qui licencie un·e salarié·e en raison d'une action en justice introduite ou susceptible de l'être. Il en est ainsi même si la demande n'est pas fondée.

Dans deux arrêts récents, la Cour de cassation confirme que le licenciement prononcé à cause de l'action en justice d'un·e salarié·e contre son employeur est nul, car il méconnaît la liberté fondamentale d'agir en justice, constitutionnellement garantie (Cass. soc. 3-2-2016 n° 14-18.600 FS-PB ; Cass. soc. 16-3-2016 n° 14-23.589 FS-PBR). Rappelons qu'il en est de même du licenciement motivé par le témoignage en justice d'un·e salarié·e en faveur d'un ancien collègue (Cass. soc. 29-10-2013 n° 12-22.447 FS-PB).

Peu importe que l'action en justice soit juste envisagée ou la demande non fondée

Dans la première affaire (n° 17-11.122), le salarié avait menacé l'employeur dans une lettre d'entamer une procédure à l'encontre de la société pour faire valoir ses droits, en réponse à une proposition de l'employeur portant sur la reconduction de son contrat d'expatriation. Le salarié a été licencié notamment pour cette raison.

C'est l'occasion pour la Cour de Cassation de préciser qu'est également nul le licenciement prononcé en raison d'une action en justice susceptible d'être introduite par le·la salarié·e à l'encontre de l'employeur, et non pas seulement en raison de celle déjà engagée.

En l'espèce, la lettre de licenciement faisait état de cette menace de saisir le juge. Dès lors, la Haute Cour, appliquant sa jurisprudence constante relative au motif «contaminant» (notamment Cass. soc. 10-6-2015 n° 13-25.554 FS-PB), approuve la Cour d'Appel qui en a déduit que cette seule référence dans la lettre de rupture de la procédure contentieuse envisagée par le·la salarié·e entraîne à elle seule la nullité de la rupture, peu important les autres griefs.

À noter : On rappelle que pour les licenciements prononcés depuis le 24 septembre 2017, en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au·à la salarié·e porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, mais seulement pour en tenir compte, le cas échéant, dans l'évaluation de l'indemnité à allouer au·à la salarié·e (C. trav. art. L 1235-2-1).

Dans la seconde affaire (n° 17-17.687), le salarié avait été licencié pour insuffisance professionnelle peu de temps après avoir saisi le Conseil de Prud'hommes de demandes au titre d'une inégalité de traitement et d'une discrimination.

La Haute Juridiction indique à cette occasion que le licenciement prononcé en raison d'une action en justice est nul, peu importe que la demande du salarié ne soit pas fondée.

Lien de causalité entre l'action en justice et le licenciement : règles de preuve ?

Concernant le lien de causalité entre l'action en justice et le licenciement du·de la salarié·e, il est moins facile à établir lorsque la lettre de licenciement n'invoque pas ce grief, comme dans la seconde espèce. La Cour d'Appel a ici retenu l'existence d'un tel lien après avoir, d'une part, constaté que le licenciement faisait suite au dépôt par le salarié d'une requête devant le conseil de prud'hommes tendant à voir reconnaître une discrimination (le licenciement a été notifié moins de 2 mois après la saisine du juge) et, d'autre part, retenu que l'insuffisance professionnelle invoquée à l'appui du licenciement n'était pas établie.

 

La Cour de Cassation approuve la Cour d'Appel d'en avoir déduit qu'il appartenait dès lors à l'employeur d'établir que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice par le salarié de son droit d'agir en justice. En l'espèce, cette preuve n'était pas rapportée par l'employeur qui soutenait seulement que les griefs invoqués au soutien du licenciement étaient antérieurs à l'action en justice du salarié.

Les juges semblent appliquer ici une sorte d'aménagement de la charge de la preuve au profit du salarié, comparable à celle existant en matière de discrimination : l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement suivant de peu l'action en justice du salarié laisserait supposer que cette action en justice est la véritable cause du licenciement, de sorte qu'il reviendrait à l'employeur d'en apporter la preuve contraire.

A notre avis : Cette solution en matière de preuve du lien de causalité entre l'action en justice et le licenciement du salarié a-t-elle une portée générale de sorte qu'elle s'appliquerait quel que soit l'objet de la demande en justice du salarié ? On peut le supposer à la lecture de l'arrêt, mais il convient de souligner qu'il s'agit d'un arrêt simplement diffusé et qu'en l'espèce, l'action en justice portait sur une demande au titre d'une discrimination. Or, l'article L 1134-4 du Code du travail, auquel la Cour de Cassation ne fait pourtant pas référence, prévoit expressément, pour les actions en matière de discrimination, que le licenciement est nul s'il est établi qu'il est sans cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Nous attendons avec intérêt de nouvelles solutions de la Cour de Cassation sur ce point.

Conséquences de la nullité du licenciement

Dans la première affaire, la Cour de cassation rappelle que, lorsque le licenciement est nul, le·la salarié·e peut demander sa réintégration. Dans ce cas, il a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration.

Il y a lieu en principe de déduire de cette indemnité les éventuels revenus de remplacement et les rémunérations perçus pendant cette période (Cass. soc. 26-4-2006 n° 04-42.681 F-D ; 12-2-2008 n° 07-40.413 F-PB) si l'employeur le demande au juge (Cass. soc. 16-11-2011 n° 10-14.799 F-D), y compris en cas de licenciement discriminatoire en raison de l'âge (Cass. soc. 15-11-2017 n° 16-14.281 FS-PB).

Toutefois, si le licenciement est nul en raison de la violation d'un droit ou d'une liberté fondamentale constitutionnellement garantis, comme ici, il n'y a pas lieu d'opérer une telle réduction (voir par exemple Cass. soc. 10-10-2006 n° 04-47.623 FS-PB  pour le licenciement d'un·e salarié·e en violation de son statut protecteur ; Cass. soc. 9-7-2014 n° 13-16.434 FS-PB pour le licenciement d'un·e salarié·e en raison de ses activités syndicales).

En outre, dans la seconde affaire, la Cour de cassation indique qu'en application de l'article L 1235-4 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi 2016-1088 du 8 août 2016, le remboursement des indemnités de chômage versées par Pôle emploi ne peut pas être ordonné à l'employeur en cas de nullité du licenciement.

Rappelons en revanche que depuis le 10 août 2016, date d'entrée en vigueur de cette loi, le juge doit ordonner le remboursement de ces indemnités lorsque la nullité du licenciement est en lien avec une discrimination ou des faits de harcèlement, moral ou sexuel.

 

Cass. soc. 21-11-2018 n° 17-11.122 FS-PB - Cass. soc. 5-12-2018 n° 17-17.687 F-D


 

 



28/01/2019

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